vendredi 7 novembre 2008



Ce récit est la courte histoire de la vie de ma fille Lucie, née le 15 juin 1982 et décédée tragiquement le 10 juillet 2001.
Lucie est une jeune fille tout à fait ordinaire, sans aucune particularité. Elle vit dans son petit monde, entre sa famille, ses amis, ses distractions et son école.
Le matin, le réveil est un peu difficile, elle a un peu de mal à rentrer dans le bain. Le petit déjeuner se prend en silence, il ne faut pas faire de bruit et surtout ne pas la déranger. Le week-end, le petit déjeuner se prend assez tard dans la matinée et il se transforme en plateau Télé.
Sa chambre ressemble à toutes les chambres des jeunes de son âge, mal rangée, à tel point que l’on a de la peine à se frayer un passage entre ses affaires pour atteindre la fenêtre. Sur son bureau, pas un espace de libre, ses cahiers, ses livres et autres magasines sont entassés et couvrent toute la surface.
Le monde est normal
Lorsqu’elle est à la maison, le principal de son temps est consacré à la télévision, la musique, le téléphone et ses amis. Il lui reste très peu de temps pour son travail scolaire. La fin des devoirs ou les dernières révisions se font le matin, dans la voiture sur la route du lycée, en écoutant souvent les « 2 minutes du peuple » sur Europe 2.
Le monde est normal
Elle aime le cinéma, tout le cinéma. Elle connaît les acteurs, les metteurs en scène et les musiques de films. Elle adore la musique et les chansons. Les voix n’ont pas trop d’importance, elle préfère les textes et la musique. Ses préférés sont : Cabrel, Goldman, « M », Linda Lemay, les comédies musicales, avec une mention toute spéciale pour Nicola Sirkis et Indochine.
Le monde est normal
Lorsqu’elle n’est pas à la maison, Lucie est avec ses amis. Pour elle, ses amis sont sa deuxième famille. Ils comptent beaucoup pour elle et elle compte beaucoup pour eux.
Nous sommes ses parents et nous connaissons son caractère plein de vie et d’ardeur. Elle est joyeuse, elle écoute beaucoup de musique, elle fredonne toujours, elle parle beaucoup avec nous et elle s’intéresse à ce qui se passe chez nous. Elle est vraiment bien avec nous et nous le ressentons bien.
Bien sur, elle est majeure et cela fait quelques temps qu’elle ne sort plus avec nous. Mais elle nous tient toujours au courant de ses activités et nous savons toujours où elle est et avec qui.
Le monde est normal
Ses amis et ses professeurs nous ont permis de découvrir certains traits de sa personnalité que nous ne connaissions pas bien. Nous la savions serviable, aimable, le cœur sur la main. Ce que nous connaissions mal, c’était son optimisme, sa faculté de remonter le moral de ceux qui en avaient besoin, nous avons retrouvé certaines lettres de ses amis qui commençaient ainsi : « je t’écris car j’ai un coup de blues ». Elle trouvait toujours les mots du réconfort et de l’optimisme. Elle avait aussi une grosse envie d’action, de mouvement. Elle aimait la vie.
Tous ces témoignages, tous plus touchants les uns que les autres, nous ont montrés à quel point Lucie était aimée et appréciée de tous.
Le monde est normal
Depuis la mi-juin, elle pensait beaucoup à ses prochaines occupations : travail en juillet et vacances en août. Elle commence à se renseigner sur les tarifs des campings de l’Ile d’Oléron où elle comptait passer une partie de ses vacances au mois d’août.
Le 2 juillet, elle commence à travailler comme stagiaire vacances à la Banque Populaire. Une semaine plus tard ses amis organisent une petite soirée avant le départ en vacances des uns et des autres. Bien sûr elle est invitée.
Le monde est normal
Le 9 juillet à 20h45 elle quitte la maison pour se rendre à cette petite soirée.
C’est la dernière fois que nous la voyons vivante.
Le 10 juillet entre 1h et 1h30, elle est repérée, enlevée, violée et assassinée par un individu à 3 km de la maison.
Est-ce que ce monde est normal ?
Cet individu est un maçon du village voisin, coutumier du fait, multirécidiviste et apparemment bien connu des services de police.
En effet, quelques mois auparavant, il a été arrêté et jugé pour des faits identiques (sauf l’assassinat) et condamné à 24 mois de prison dont …2 fermes. Depuis, il vit en toute liberté, surveillée certes mais on peut se demander comment et par qui puisqu’il n’a été interrogé pour notre affaire, que sur dénonciation par un coup de téléphone anonyme.
Est-ce que ce monde est normal ?
On a donc laissé cet animal féroce et dangereux en liberté, jusqu’à ce qu’il commette l’irréparable. Comme souvent dans notre société, on attend qu’il y ait mort d’homme (ou de jeune fille en l’occurrence) pour éventuellement entreprendre une action ???
Est-ce que ce monde est normal ?
Maintenant, ce qui est fait est fait, c’est irréversible, l’animal est en cage et ma fille est au tombeau.
Mais que risque-t-il cet animal ? Aux dires des policiers et des avocats, il aura la peine maximale, c’est à dire la prison à vie. Dans tous les cas, la vraie perpétuité est pour la victime : c’est la tombe. Par contre le coupable, s’il se conduit bien, pourra bénéficier des visites de sa famille et de ses amis, il aura même des réductions de peine. S’il est mal traité ou mal nourri, il pourra manifester, se mutiner même. On m’a dit, pour me rassurer peut-être, que dans tous les cas, sa peine ne pourra pas être inférieure à 22 ans d’emprisonnement. Il a aujourd’hui 32 ans et donc si tout va bien pour lui, à 54 ans, il sera libre et il pourra enfin recommencer.
Est-ce que ce monde est normal ?
Les députés font les lois pour nous protéger et pour nous montrer les limites à ne pas dépasser.
Il existe une loi qui nous protège des dangers provoqués par les chiens dits dangereux. On les tient en laisse, on les muselle, on les empêche de se reproduire ou on les exécute si nécessaire. Si un jour mon chien, vulgaire petit bâtard, a la mauvaise idée de mordre le facteur, on me demandera de l’abattre.
L’autre animal (le maçon) était connu de tous, réputé dangereux, déjà condamné et surveillé. Mais il était libre et il a fait tout ce qui lui passait par la tête.
« Sans avoir recours à la peine de mort qui est abolie, ne pourrait-on pas, pour les cas de meurtres les plus graves, envisager une peine d'emprisonnement de sûreté à perpétuité sans remise de peine.
Tout en gardant un caractère de punition et de condamnation cette peine serait également une garantie de protection d'éventuelles futures victimes de cet assassin. »
Mon souhait le plus cher aujourd’hui, est que cet animal soit mis hors d’état de nuire par tout moyen à notre disposition, afin que ces éventuelles futures victimes soient protégées efficacement et épargnées.
Est-ce que ce monde est normal ?
Lucie avait 19 ans, elle était à l’aube de sa vie.
Nous fleurissons sa tombe plusieurs fois par semaine et nous la pleurons tous les jours.
Cela fait aujourd’hui trois ans que ce malheur est arrivé, trois longues années que nous attendons que justice soit faite.
Il ne se passe pas un jour sans que nous pensions à Lucie, à sa vie future, à son avenir à jamais enfoui dans sa tombe.
L’assassin de notre fille ne s’appelle pas Allègre ou Dutroux ou Holmes mais notre douleur est la même que celle des victimes de ces monstres.
On a souvent l’impression que notre fille Lucie a fait un petit passage sur notre terre, puis elle est morte, et que maintenant on peut l’oublier. A part nous, personne ne s’est aperçu de rien.
Mais nous, on ne peut pas l’oublier, on ne peut pas oublier ses souffrances, on ne peut pas oublier son visage, sa voix.
Notre souhait est que tout le monde pense à elle, pour ne pas oublier ce qu’elle était, ne pas oublier sa joie de vivre et son entrain.

Marcel GABARROCA

2 commentaires:

Unknown a dit…

Nouvelle définition de La France: pays de la liberté des pédophiles, pervers et criminels en tout genre où les victimes sont considérés comme des coupables et sont les parents pauvres de la justice. J.J Allemane et beaucoup d'autres privés de justice parce que la famille n'avait pas les moyens de payer le déclenchement de l'action judiciaire! On croit rêver, mais non, il faut payer pour voir un criminel devant la justice, payer la justice, payer les avocats, payer toujours plus, sinon, pas de justice.

Il faudrait que les lois changent, on n'est plus au moyen âge, une justice gratuite et équitables pour toutes les victimes et leurs familles, une perpétuité incompressible pour tous les pédophiles, violeurs et crimes de sang, malheureusement appliquée uniquement à quatre personnes en France. Les Guy George et compagnie que l'ont relâche au bout de 15 ans, l'un des deux assassins de 18 personnes âgées sorti au bout de 16 ans, forcément ils recommencent en sortant, tôt ou tard.

Alors que faire sans devenir parano? Aujourd'hui on a peur pour nos enfants, peur pour nous, on ne peut pas vivre dans la peur. Moi j'ai choisi d'inscrire mon enfant au karaté, ça peut toujours servir et je possède un pistolet d'alarme toujours dans mon sac. Heureusement, car j'ai déjà croisé la route d'un sinistre individu quelques jours avant qu'on ne vous vole votre fille. Je ne saurai dire si c'était le même cinglé, mais le mode opératoire est le même. Il m'a prise en chasse sur le périphérique, de nuit et m'a bloqué le véhicule dans une bretelle de sortie. Mes portières étaient verrouillées, j'ai entrouvert ma fenêtre et lui ai vidé le chargeur dessus (12 balles au poil à gratter et au piment) dès qu'il s'est approché. Je l'ai laissé se gratter comme un possédé et gesticuler, marche arrière toute et je suis repartie sur le périph, plein gaz, pour rentrer au plus vite.

Depuis, j'ai appris à vivre en me mettant toujours en sécurité. Verrouillage des portières immédiat, pistolet d'alarme toujours à porté de ma main, bombe lacrymogène au cas où à porté de main, jamais ouvrir à un inconnu ou même baisser la vitre. Police ou gendarmerie, je demande leurs papiers avant de baisser la vitre.

Unknown a dit…

je découvre aujourd'hui l'histoire de votre fille
mes sincères condoléances. et courage à la famille. elle existera toujours dans vos coeurs, et vous finirez par vous retrouvez tôt ou tard.